Title: MIEUX APPRENDRE & ÉTUDIER : les (vraies) techniques scientifiques

Channel: ScienceEtonnante

Submission date: 2023-09-01

Introduction

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Pour mieux apprendre et réussir plus facilement en classe, c’est simple, voici le secret : il faut surligner son cours le plus possible, le relire des dizaines de fois, et puis faire des fiches, sur lesquelles on va réécrire complètement le cours, mais en tout petit et très serré, avec des abréviations.

Alors non, en fait pas du tout. Si vous faites ça : arrêtez, ça ne marche pas. Mais rassurez-vous, je vais vous dire ce qui marche, et je vais pas juste vous dire ce que je pense qui marche, je vais pas essayer de vous vendre ma méthode miracle personnelle. Non, je vais vous parler de principes d’apprentissage qui ont été évalués par des centaines d'études scientifiques, depuis maintenant plusieurs décennies. Des méthodes qui fonctionnent bien mieux pour apprendre, que vous soyez au collège, au lycée, ou dans les études supérieures.

Malheureusement, ce sont des méthodes qu’on ne nous enseigne pas forcément à l’école, et il existe de nombreuses idées fausses sur le sujet. Notamment des techniques très populaires, mais qui, en fait, n’ont pas du tout fait leurs preuves, scientifiquement parlant. J’en ai donné des exemples : relire son cours plein de fois, le surligner avec plein de couleurs, ou encore faire des fiches. Ce sont des techniques peu efficaces, mais pas trop fatigantes, qui vous donnent l’illusion de maîtriser le sujet. Ça ne marche pas bien, mais ça donne bonne conscience.

Et c’est assez incroyable de voir qu’à côté de ça, il existe des principes d’apprentissage et des techniques qui ont été éprouvées par des études scientifiques, testées dans des tas de matières, à différents niveaux, et qui sont étonnamment peu connues. Et j’aimerais non seulement essayer de vous aider tous, dans vos situations d’apprentissage, mais aussi contribuer un peu à faire tomber ce mythe tenace qui est que la réussite scolaire est juste une question de talent naturel, de capacité innée à être bon dans telle ou telle matière.

Bien sûr, on est tous différents et il y a des affinités naturelles, mais vos capacités sont loin d’être figées, et la façon dont vous allez vous y prendre pour étudier a un impact énorme : vous avez beaucoup plus la main que vous ne le pensez, sur votre réussite.

Et à nouveau pour être clair : je suis pas gourou, j’ai pas de bouquin ou de formation à vendre sur le sujet, je fais pas de coaching. Je veux juste vous parler de ce que j’ai découvert dans la littérature scientifique, et vous faire profiter de ce que j’aurais aimé savoir plus tôt dans mes études.

Mémoriser & comprendre

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Bien, pour commencer, qu’est-ce qu’on essaye de faire, dans le fond ? C’est quoi notre objectif quand on essaye d’apprendre quelque chose ? Qu’est-ce que ça voudrait dire de « mieux » apprendre ? Évidemment, cela va dépendre de la matière et du niveau où vous étudiez, mais on retrouve quand même toujours les mêmes éléments.

À un premier niveau, apprendre cela veut dire mémoriser. Mémoriser des textes, des faits, des formules, etc. C’est vrai dans toutes les matières et à tous les niveaux : du primaire au supérieur, des langues aux sciences. Il faut toujours mémoriser des choses. Mais ça ne s’arrête pas là : on vous demande également de comprendre, c’est-à-dire d’acquérir une maîtrise des concepts qu’on vous présente. Comment les différentes connaissances factuelles s’articulent entre elles. Mémoriser le texte d’un cours, et maîtriser les idées qu’il contient, ça n’est pas la même chose. Vous pouvez apprendre par cœur la définition et la formule de l’énergie cinétique, si vous ne comprenez pas vraiment ce que ça représente, vous n’êtes pas très avancés pour utiliser ces notions.

Ensuite, à un troisième niveau, on vous demande de « résoudre des problèmes ». J’utilise ce terme de façon assez générique, ça peut désigner aussi bien un exercice en chimie qu’une analyse de document en géographie, ou la réponse à une problématique de dissertation. Et pour résoudre des problèmes, il vous faut une capacité à mobiliser et utiliser les connaissances et la compréhension que vous avez. Cette idée de pouvoir mobiliser ce que l’on a appris, c’est quelque chose de très important dont je vais beaucoup reparler. C’est ce qui fait passer progressivement du savoir, au savoir-faire.

Et enfin, parfois, on vous demande de faire preuve de créativité. Par exemple, pour imaginer une façon de résoudre un problème formulé de façon très ouverte, ou pour une dissertation à haut niveau. Et ce qui est vraiment très important ici, dans ce schéma, c’est que ces capacités se construisent les unes sur les autres. Chacune est indispensable à celles qui sont au-dessus. On pourrait penser qu’à l’heure de Wikipédia, tout le savoir du monde est à portée de clic, et donc on s’en fout de mémoriser des trucs. Mais c’est faux, même tout en haut, pour les tâches créatives, on a besoin d’avoir des connaissances solides. La créativité, c’est très souvent associer des choses de façon nouvelle, et ça demande d’avoir des connaissances qui soient disponibles et flexibles, qu’on arrive à mobiliser dans une situation qui ne les appelait pas forcément.

Bref, notre objectif quand on apprend, et qu’on veut maîtriser complètement un sujet, c’est de savoir faire tout ça : mémoriser, comprendre, résoudre, créer. À nouveau, la répartition va varier suivant la matière et le niveau, mais on retrouve toujours ça. Et vous allez voir que les méthodes qu’on va discuter vont d’abord particulièrement s’appuyer sur la mémorisation, car c’est le fondement de la compréhension, et de la capacité à créer et à résoudre des problèmes en sachant mobiliser ce qu’on a appris.

Mémoire de travail et à long terme

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Pour pouvoir vous présenter les meilleures méthodes et vous faire comprendre leurs justifications scientifiques, je vais utiliser un modèle issu des sciences cognitives, et qui permet de comprendre comment fonctionne notre mémoire.

Dans ce modèle, on distingue deux formes de mémoire : la mémoire de travail et la mémoire à long terme. La mémoire de travail contient ce que vous avez à l’esprit, à un instant donné. Ce dont vous avez conscience explicitement, là, maintenant, et sur lequel vous pouvez tenir des raisonnements.

Cette mémoire de travail reçoit notamment les perceptions sensorielles auxquelles on décide de prêter attention : visuelles, auditives, tactiles, textuelles, etc. Mais elle a une capacité très limitée : on ne peut avoir en tête simultanément que quelques concepts.

De son côté, la mémoire à long terme, comme son nom l’indique, permet le stockage des connaissances et des concepts que l’on va retenir longtemps, au-delà du laps de temps très limité de notre mémoire de travail. Et cette mémoire à long terme a notamment la capacité de se réorganiser, de se consolider.

Pour ceux qui aiment les analogies, on peut comparer ces deux mémoires à la RAM et au disque dur d’un ordinateur. L’une est facilement accessible et permet de travailler sur l’information, l’autre est plus grande et sert au stockage à long terme.

Entre ces deux types de mémoire, il existe deux opérations : l’encodage, qui permet le transfert d’informations de la mémoire de travail vers la mémoire à long terme, et la récupération, qui fait l’inverse : elle vient charger dans votre mémoire de travail des connaissances qui avaient été stockées dans votre mémoire à long terme.

Et bien évidemment, ce n’est pas tout, il y a un autre processus à l’œuvre : l’oubli. Quand vous retenez un numéro de téléphone juste le temps de le taper, vous le mettez uniquement dans votre mémoire de travail, et ensuite il va s’évaporer rapidement, sans aller plus loin. Mais il y a aussi de l’oubli avec la mémoire à long terme : des choses que vous avez sues, mais que vous avez progressivement oubliées.

Et pourtant, des fois, on a tous cette sensation de réapprendre ou redécouvrir quelque chose qu’on avait su, et de se dire : « Ah oui, en fait, je ne m’en serais pas souvenu, mais je le savais. » Ce qu’il se passe dans ce cas, ce n’est pas vraiment qu’on avait oublié, c’est qu’on n’arrive plus à se le rappeler.

La connaissance était peut-être toujours là quelque part dans la mémoire à long terme, mais c’est la récupération qui a échoué, qui n’a pas pu se faire. Une façon de se représenter ce qu’il se passe, c’est que quand vous stockez quelque chose dans votre mémoire à long terme, l’information va s’y loger avec des petites accroches, des petites poignées, qui vont permettre la récupération. C’est ce qu’on appelle des indices, ou des amorces de récupération.

Et bien souvent, avec la mémoire à long terme, ce qu’on appelle « oubli », c’est en fait la perte progressive de ces amorces de récupération. La connaissance est là, mais impossible de la récupérer, de l’attraper pour la charger dans votre mémoire de travail. Et cette notion d’amorces de récupération est extrêmement importante car plus il y en a qui sont associées à une connaissance, plus cette connaissance sera facilement disponible, utilisable et flexible.

Et ça, c’est très important dans les tâches cognitives comme la résolution de problèmes ou la créativité. Bien mémoriser, avec beaucoup d’amorces, permet de sortir les bonnes connaissances au bon moment, et parfois d’une façon originale et créative.

Autre élément important sur le fonctionnement de la mémoire à long terme : elle ne stocke pas que des connaissances factuelles, brutes, comme une date ou une formule. Elle permet aussi de stocker des connaissances conceptuelles, de la compréhension, sous la forme de ce qu’on appelle des schémas mentaux. Un schéma mental, c’est un ensemble de concepts dont on comprend les liens et les articulations, et qui forment un tout cohérent, qu’on peut utiliser pour faire des déductions, des raisonnements. Et comme vous le savez sans doute, quand on a vraiment compris quelque chose, c’est toujours plus simple à récupérer, à mobiliser, qu’une connaissance par cœur.

Que l’on parle d’une formule ou d’un fait historique, il est toujours plus simple de s’en souvenir avec précision si l’on a compris le rôle qu’ils jouent dans le contexte, s’ils font partie d’un schéma mental cohérent plus global.

Bien, grâce à ce modèle sur la mémoire, on voit bien ce qu’on veut essayer de faire avec nos méthodes d’apprentissage : encoder efficacement, favoriser la consolidation dans la mémoire à long terme, mémoriser des connaissances conceptuelles sous la forme de schémas mentaux, et améliorer la récupération grâce à des amorces qui rendent nos connaissances disponibles et mobilisables.

Mais avant d’aller plus loin et d’expliquer comment on peut faire tout ça, je voudrais tordre le cou à un des mythes les plus tenaces qui existent en matière d’apprentissage : celui des styles d’apprentissage. Vous savez, « Ah moi je suis plutôt un visuel », « Ah non, moi je suis plutôt auditif, j’ai besoin d’entendre », etc. Beaucoup de gens pensent avoir un style de prédilection, qui leur permet d’apprendre mieux. Eh bien, c’est complètement faux. C’est une idée qui a été lancée par un type un jour, et depuis, il y a eu littéralement des dizaines d’études scientifiques sur cette notion, et juste, c’est faux.

Vous avez peut-être un style que vous préférez, mais c’est juste une préférence personnelle, ce n’est pas lié au fait d’apprendre mieux, à l’efficacité de tel ou tel mode. Par contre, ce qui a été constaté, c’est qu’on apprend tous mieux en utilisant plusieurs modes : visuel, textuel, auditif, tactile. C’est ce qu’on appelle la multimodalité, et on va en reparler.

Bien, assez papoté, c’était important pour moi de vous expliquer les fondements, mais maintenant allons-y pour les méthodes qui marchent vraiment.

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Répétition espacée

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Une chose qu’on entend souvent, c’est que la répétition est à la base de la mémorisation. Et c’est vrai, sauf cas particulier, vous ne pouvez pas retenir quelque chose en le voyant juste une fois et en pensant à autre chose après. Il faut répéter, pour exposer plusieurs fois notre cerveau à l’information à mémoriser. Mais il existe un principe fondamental, celui de la répétition espacée.

Pour le présenter, on fait souvent une courbe de ce genre. Vous venez d’apprendre quelque chose pour la première fois, vous avez réussi à le faire passer de votre mémoire de travail à votre mémoire à long terme. Pas de difficulté à vous en rappeler quinze minutes après, votre souvenir est à 100%. Et puis le temps passe, et vous commencez à oublier, assez vite. Passé quelques jours, impossible de se souvenir, la connaissance semble perdue. Même si vous aviez passé plein de temps dessus au début. Et ce qu’il faut faire, c’est la réactiver avant d’avoir oublié, disons le lendemain, de façon à interrompre le processus d’oubli. Vous réapprenez à nouveau, et vous voilà de retour à 100%. Mais cette fois, l’acte de réviser avant l’oubli complet va aider à consolider, à solidifier le souvenir dans votre mémoire à long terme. Cela va légèrement renforcer le chemin neuronal qui permet la récupération.

À partir de là, vous allez à nouveau commencer à oublier progressivement, mais à un rythme plus faible qu’avant. Sauf qu’au bout de quelques jours, même principe : il faut réactiver avant d’oublier, ce qui permet de revenir à 100%, mais aussi de consolider encore un peu plus le souvenir. Et à partir de là, son érosion sera encore plus lente. Et ainsi de suite.

Ce que cela montre, c’est qu’il faut distribuer votre apprentissage dans le temps, il faut l’espacer, et en principe de plus en plus. Ça ne sert à rien de s’acharner comme un fou la première fois qu’on apprend, pour ensuite ne rien faire pour entretenir la connaissance. Contrairement à une croyance répandue, si vous vous relisez un truc 100 fois d’affilée la première fois, vous n’allez pas du tout le « graver dans votre mémoire », il sera aussi vite oublié. Sauf si vous le réactivez plusieurs fois ensuite, en espaçant de plus en plus. Et chaque réactivation sera d’autant plus efficace que l’oubli aura commencé, mais sans être allé au bout.

En pratique, cela veut dire que si on prend un sujet donné que vous devez maîtriser, il vaut mieux travailler dessus 8 fois une heure, en espaçant sur plusieurs jours, que 8 heures d’affilée condensées sur une journée. Et c’est particulièrement important si vous avez des examens en fin d’année ou de semestre. Si vous bossez le sujet à fond en début d’année, et que vous ne le réactivez pas avant les révisions finales, vous n’allez pas réviser, vous allez juste devoir tout réapprendre. Idéalement, il faut un peu entretenir toute l’année. Bien sûr, ça demande de la discipline et de l’anticipation, mais c’est pour éviter de gâcher vos efforts initiaux.

Évidemment, la question que vous allez vous poser, c’est : tous les combien de temps doit-on réactiver ? Eh bien, pour la première réactivation, il faut la faire le lendemain. Ça aura laissé le temps d’une première consolidation dans la mémoire à long terme, dont on sait qu’elle se produit en partie pendant le sommeil. Pour la deuxième réactivation, deux ou trois jours après. Puis la semaine suivante, et après le mois suivant. L’idéal pour appliquer cette méthode, c’est de se créer un calendrier de réactivation pour être sûr de ne pas laisser reposer trop longtemps un truc qu’on a appris et qui risque de se perdre. Il n’y a pas vraiment de chiffre magique au bout duquel on aura la certitude d’avoir acquis un savoir pour toujours, mais disons que 7 est un bon ordre de grandeur.

Voilà donc, le premier principe, c’est celui de la répétition espacée, et donc de l’étalement de vos efforts dans le temps. Voyons maintenant le deuxième principe qui se combine très bien avec celui-ci : celui de l’auto-test.

Revenons à ma courbe d’oubli : au bout de 24h, j’ai commencé à oublier...

(Auto)-tests

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Il est temps de réactiver. Mais comment on réactive, concrètement ? Une façon simple et confortable, c’est de relire l’information à mémoriser. Par exemple, on relit son cours le lendemain, comme si on l’apprenait à nouveau.

Sur mon schéma cognitif, ça correspond à répéter la procédure d’encodage. On refait passer à nouveau le souvenir de la mémoire de travail vers la mémoire à long terme. Et effectivement, la réactivation par ré-encodage fonctionne un peu. Il y a un léger effet de renforcement et de consolidation dans la mémoire à long terme.

Le problème est que, souvent, quand on fait ça, on n'est pas forcément très concentré. En relisant juste des choses qu’on a déjà apprises, on se dit assez facilement « ouais bon c’est bon, je le savais ». La réactivation est passive, et on s’illusionne un peu sur ce dont on se souvenait vraiment.

Et ce qui est bien plus efficace, c’est de réactiver dans l’autre sens, par la récupération. C’est-à-dire en essayant de se souvenir, de sortir les connaissances de notre mémoire à long terme. Généralement, ce travail de récupération, on a tendance à le faire seulement quand on en a besoin, c’est-à-dire le jour de l’examen. Alors qu’il faudrait le faire pour réviser, c’est-à-dire prendre l’habitude de s’auto-tester, avant de vérifier les réponses.

Si vous devez réviser des dates par exemple, plutôt que de relire passivement le cours qui les contient, essayez de répondre à des questions qui vous demandent de vous en souvenir. C’est un peu plus fatigant, je vous l’accorde, mais cet effort va justement renforcer les chemins neuronaux et les amorces de récupération, et donc améliorer la durabilité et la disponibilité de cette connaissance.

Et toutes les études montrent de façon très claire que cette récupération active est beaucoup plus efficace que la relecture, qui fonctionne de façon passive. Sur ma courbe d’oubli, en réactivant de façon active, par récupération, vous allez obtenir une érosion ensuite bien moindre que si vous aviez simplement relu et réencodé l’information.

Et donc l’idéal, c’est de combiner les deux premières méthodes qu’on vient de voir : la récupération active par auto-test, mais de façon espacée. Pour ça, une technique simple et puissante, c’est la boîte de Leitner. Leitner, c’est un journaliste scientifique allemand qui a imaginé cette méthode dans les années 70. Pour la pratiquer, il vous faudra une boîte avec 7 compartiments, vous pouvez prendre 7 enveloppes aussi, et des petites fiches bristol.

Quand vous voulez apprendre quelque chose de nouveau, une définition, une formule, une date, un fait, vous le notez sous la forme d’une question au recto d’une fiche, et vous notez la réponse attendue au verso. Et vous mettez la fiche dans le premier compartiment. À partir de là, vous allez chaque jour consulter les différents compartiments et essayer de répondre aux questions inscrites sur les fiches. Quand vous répondez juste, vous placez la fiche dans le compartiment suivant. Et si vous avez faux, vous la remettez dans le premier compartiment.

Et pour assurer qu’il y ait le bon espacement au fur et à mesure de l’apprentissage, vous n’allez pas consulter tous les compartiments à chaque fois. Le premier ce sera tous les jours, le second seulement tous les deux jours, le troisième peut-être tous les 4 jours, etc. Pour aider, on peut utiliser un petit calendrier qui vous dit chaque jour quels sont les compartiments à vider. Avec cette méthode, quand vous répondez juste à une question qui est dans le 7e compartiment, ça veut dire que vous avez réussi 7 fois de suite, et de façon de plus en plus espacée, donc vous pouvez considérer que c’est bon !

Moi, je me suis fait un petit système avec une boîte plastique et des fiches cartonnées, mais si vous le voulez, il y a aussi des applis mobiles qui font ça, par exemple Anki, que je n’ai pas vraiment testé mais qui semble assez populaire.

Un des avantages de cette méthode, c’est que vous avez un retour immédiat sur ce que vous savez. Et vous retravaillez automatiquement tous les trucs sur lesquels vous n’êtes pas à l’aise, puisqu’ils reviennent dans le premier compartiment. Ça évite de se bercer d’illusions sur ce que l’on sait vraiment.

Évidemment, cela demande de la discipline et des efforts, mais malheureusement, les méthodes efficaces, reposantes et faciles, ça n’existe pas ! Au-delà de la méthode de Leitner, de façon générale, toutes les méthodes qui permettent de se tester sont bonnes pour consolider la mémoire au moyen d’une récupération. Donc cela peut être aussi des questions ou des QCM dans les manuels scolaires, sur des sites internet dédiés. Et si vos enseignants vous en donnent à faire, tant mieux. Souvenez-vous que l’objectif premier de ces petits tests, ça n’est pas de vous noter ou de vous évaluer, le fait de se tester est une partie intégrante du processus d’apprentissage et de mémorisation. Avec les auto-tests, ce n’est pas le résultat qui compte, c’est le chemin !

Diversification

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Un autre principe qui fonctionne très bien, et qui se combine bien avec les deux précédents, c’est celui de la diversification. Ça a surtout été démontré dans les disciplines plutôt scientifiques : l’idée est que si vous avez plusieurs chapitres un peu différents à réviser, il vaut mieux les mélanger en petites sessions, que de faire tout l’un, puis tout l’autre.

En effet, un des défis quand on a des problèmes à résoudre, notamment en sciences, c’est d’identifier correctement le type de problème, et la bonne méthode à mobiliser pour le résoudre. Le fait de mélanger les révisions sur plusieurs chapitres proches va augmenter votre capacité à bien discriminer les problèmes, mieux voir les similarités et les différences, et donc choisir les bonnes méthodes. En mélangeant, on crée plus d’amorces de récupération et on facilite le fait de mobiliser les bonnes connaissances au bon moment.

Bien, cela fait trois principes : répétition espacée, auto-tests et diversification. Jusqu’ici, j’ai beaucoup parlé de mémoire, et vous vous dites peut-être que dans votre domaine d’étude, ça n’est pas ce qui est le plus important. Mais on va voir maintenant comment transférer tous ces bénéfices aussi pour la compréhension conceptuelle et la résolution de problèmes.

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Apprentissage génératif

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Quand je vous ai parlé des auto-tests tout à l’heure, j’ai évoqué par exemple le fait de faire des petits QCM. Le QCM c’est bien, mais comme on choisit dans une liste toute faite, c’est moins efficace que d’essayer de trouver et formuler soi-même la réponse à la question.

Et même pour aller encore plus loin, plutôt que de répondre à des questions, on peut essayer de se tester simplement en essayant d’écrire tout ce dont on se souvient. C’est ce qu’on appelle le rappel libre, et cela fonctionne particulièrement bien car cela vous oblige souvent à reformuler les choses avec vos propres mots.

Et ça fait partie d’un groupe de méthodes qu’on appelle l’apprentissage génératif, ou l’apprentissage constructif. L’idée générale, c’est que pour vous approprier véritablement quelque chose, il va falloir y mettre du vôtre, pour l’interpréter, le réorganiser, le structurer d’une façon qui lui donne du sens, et qui vous parle.

Pour votre cerveau, ça veut dire fabriquer lui-même, de façon active, ces petits schémas mentaux dont j’ai parlé, qui viennent structurer les connaissances dans la mémoire à long terme, et qui sont beaucoup plus simples à retenir et à mobiliser.

C’est cette démarche active de construction de schémas mentaux qui va vous permettre d’acquérir des connaissances profondes, conceptuelles et interconnectées. Le côté actif est très important, car sinon c’est facile de se donner l’impression de bosser en se mettant en pilote automatique. Vous savez : on relit plein de fois le même passage, mais sans vraiment y être. Ou bien en cours, on note par réflexe ce que le prof raconte, mais nos pensées sont complètement ailleurs. Comme si les mots allaient de l’oreille au stylo sans vraiment passer par le cerveau.

Pour éviter ça, il faut se mettre dans une posture active vis-à-vis du contenu qu’on essaye d’assimiler. Il faut réfléchir dessus, pour se l’approprier. Évidemment, ça demande plus d’efforts, mais ça permet aussi d’activer des tâches cognitives supérieures qui vont améliorer notre compréhension, notre mémoire à long terme et nos capacités à mobiliser les connaissances.

Je pense que vous le savez, on retient bien mieux ce que l’on comprend et qui a du sens pour nous. Petite démonstration : voici quelques suites de lettres, essayez de les retenir. Hop terminé, pas facile hein. Maintenant voici d’autres suites de lettres. Ah, tout de suite c’est beaucoup plus facile ! Il y a autant de lettres qu’avant, mais ici elles forment un motif qui a du sens, qu’on arrive à relier à des connaissances antérieures.

C’est le cas dans toutes les disciplines scolaires, prenez l’histoire par exemple. Il est bien plus facile de retenir des faits historiques si on comprend comment ils s’enchaînent, leurs conséquences, leurs relations à d’autres événements, ou au monde actuel. Et pareil en biologie ou en philosophie.

Pour faire ça, et aborder l’apprentissage de façon active, il faut faire l’effort de réfléchir soi-même à quels sont les concepts-clés, quel sens on peut leur donner, comment on peut les organiser et les connecter à ce que l’on sait déjà. C’est ce travail qui va vous permettre de créer vos propres schémas mentaux, plus faciles à stocker dans la mémoire à long terme. Et plus on va progresser et apprendre des choses nouvelles, plus on sera à même de faire des liens, et donc de créer des amorces de récupération.

Alors toutes ces recommandations sont assez théoriques, voyons comment on peut faire en pratique. Il existe plein de façons complémentaires, mais elles ont toutes une chose en commun : elles demandent de la motivation et de la discipline.

Pour commencer, quand vous êtes en cours, prenez des notes actives. Un bon moyen est d’utiliser la marge, elle est là pour ça. Notez-y des questions qui vous viennent, des concepts qui vous semblent importants, des exemples supplémentaires que vous trouvez, des liens que ça vous évoque avec d’autres notions ou des situations réelles. N’ayez pas peur de spéculer ou de vous tromper, écrivez au crayon de papier, on s’en fiche, vous corrigerez plus tard, l’important est de maintenir votre cerveau dans une posture active qui va le préparer à mieux apprendre tout ça par la suite.

Après la classe, faites du rappel libre. Prenez une feuille blanche, et écrivez tout ce dont vous vous souvenez. Mais vraiment tout, et ne vous arrêtez pas avant d’être vraiment à sec. Forcez-vous à y passer un certain temps, disons 5 ou 10 minutes. Plus vous irez chercher loin dans votre mémoire, plus l’ancrage sera fort. Idéalement, il faudrait le faire le soir même après le cours, pas la veille du prochain cours. Oui, ça demande de la discipline mais l’idée est d’assurer un ancrage initial, avant la première nuit de sommeil.

Ensuite, quand vous travaillez votre cours, essayez de reformuler les choses à votre sauce, avec vos propres mots. Juste surligner le cours, ça ne sert pas à grand-chose, ça demande trop peu d’efforts. Et pareil, faire des fiches, si c’est juste pour recopier exactement la même chose en plus petit, plus serré et avec des abréviations, c’est très pauvre. C’est quasiment faisable en pilote automatique, sans réfléchir.

Pour travailler son cours de façon active, je connais un prof d’histoire-géo qui au collège faisait faire à ses élèves un truc très simple : il leur demandait systématiquement pour le prochain cours de préparer 5 questions portant sur la leçon qu’ils venaient de faire. Cela forçait les élèves à réfléchir au cours, à sélectionner ce qui était important, à imaginer des questions avec leurs propres mots, et les réponses qui allaient avec. Et en plus, si vous adoptez cette technique, ça vous créera des questions qui seront utilisables pour faire des auto-tests.

Dans le même genre, mon prof en maths sup nous avait expliqué comment travailler son cours de façon active, en essayant de l’enrichir, en se posant des questions. Pourquoi on a choisi cette définition, et pas une autre. Est-ce qu’il existe plusieurs démonstrations à ce théorème ? Quels contre-exemples je trouve si j’enlève une hypothèse, etc.

Une méthode très efficace de reformulation, qui marche pour toutes les matières, c’est la schématisation. Essayez de créer vos propres petits diagrammes pour représenter les concepts clés, et comment ils sont reliés entre eux. Cela permet de combiner le textuel et le visuel. On l’a dit, c’est la multiplication des modes d’apprentissage qui est importante.

Les cartes mentales

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Pour le faire encore mieux, il y a une méthode que j’adore, que j’utilise énormément, c’est la technique de la carte mentale. C’est une méthode d’organisation des idées qui consiste à essayer de résumer les choses sur une seule feuille, en utilisant une structure en arbre. Le concept principal au centre, puis des branches successives pour exprimer les idées, les sous-idées, etc.

Dans une carte mentale, on essaye de mettre en avant des liens, des regroupements ou des différences. On utilise au maximum des petits dessins et de la couleur, à nouveau pour stimuler à la fois le textuel et le visuel. Et aussi, il faut la créer à la main, pour avoir aussi le côté tactile ou kinesthésique.

La méthode de la carte mentale coche beaucoup de principes efficaces d’apprentissage, et je la trouve fantastique quand on doit s’approprier un cours de façon active, en le questionnant et en le reformulant à sa façon. Et ça n’est pas juste mon opinion personnelle : il existe de nombreuses études qui montrent que les méthodes comme la carte mentale, qui combinent schématisation visuelle et relations entre concepts, ont un effet redoutable sur la mémoire et la compréhension.

Je vous encourage vraiment à étudier cette technique, avec toutefois une petite mise en garde. Il faut prendre un peu de temps pour se former et se l’approprier vraiment. Il ne faut pas que la mise en œuvre de la méthode vous soit fastidieuse, ou vous bloque par crainte de mal s’y prendre. Je ferai peut-être une vidéo dédiée sur le sujet un jour.

Enseignement

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Passons à une dernière façon bien connue de faire de l’apprentissage génératif : essayer d’expliquer à d’autres le contenu qu’on s’efforce d’apprendre et de comprendre. C’est vraiment quelque chose que j’ai vécu des tas de fois en préparant mes vidéos : quand on essaye de transmettre quelque chose de façon claire, on se rend très vite compte si on n’a pas vraiment compris.

C’est un peu le révélateur ultime qui montre la différence entre maîtriser superficiellement, connaître les trucs par cœur, savoir utiliser bêtement les formules, et la vraie compréhension conceptuelle. L’idéal pour ça, c’est de travailler à plusieurs et de jouer alternativement le rôle de celui qui explique et de celui qui écoute. Mais pour commencer simple, vous pouvez essayer de le faire sur vous-même. Imaginez expliquer ce que vous avez appris à votre moi du passé.

Une autre façon de faire, popularisée par le physicien Richard Feynman, c’est d’essayer de faire semblant de l’expliquer à un enfant de 8 ans.

Voilà, ça fait beaucoup d’infos, il est temps de conclure et de faire une petite synthèse de ce qu’on a vu aujourd’hui.

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Conclusion

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Premier point : il existe vraiment des méthodes plus efficaces que d’autres, abondamment testées et validées par des études scientifiques, donc utilisez-les. Car vos capacités ne sont pas figées, vous avez bien plus la main que vous ne l’imaginez sur vos apprentissages. Par contre, je ne dis pas que ça va être facile ou reposant. Ces méthodes demandent de la régularité, de la motivation et une forme de discipline. Et je l’ai dit plusieurs fois, elles ne sont pas confortables, elles demandent de l’effort, mais c’est aussi pour ça qu’elles fonctionnent. Mais au moins on ne se berce pas d’illusions avec des méthodes rassurantes mais inefficaces.

De façon générale, une qualité très importante à développer, c’est votre capacité à prendre du recul sur la façon dont vous apprenez, dont vous approchez les problèmes, dont vous jugez de ce qui marche ou ne marche pas dans tel ou tel contexte. C’est ce qu’on appelle parfois la métacognition, la capacité à réfléchir sur vos propres modes de pensées.

Je vous ai présenté beaucoup de techniques aujourd’hui, et il n’y en a pas une qui est supérieure aux autres. Il faut choisir et combiner en essayant de respecter les principes généraux que sont l’espacement, l’auto-test et l’apprentissage génératif. Moi perso, si je retournais au collège, au lycée ou en études supérieures, je ferais au moins boîte de Leitner et cartes mentales, avec peut-être un peu de rappel libre le soir des cours, et de la création de questions pour ma boîte de Leitner.

Évidemment, je l’ai dit, tout ça est à adapter en fonction de la matière, de votre niveau d’études, et toutes les techniques ne seront pas utiles de la même façon. Dans tous les cas, je vous mets plein de références en description : des articles scientifiques, des livres, blogs et personnes qui m’ont inspiré. Et notamment un grand merci à Elena Pasquinelli, qui m’a fourni pas mal de références sur ces sujets.

Voilà, c’est tout pour aujourd’hui. Rendez-vous sur le Discord de Science Étonnante pour prolonger la discussion. Abonnez-vous si ce n’est pas déjà fait, et on se retrouve très vite pour une nouvelle vidéo. À bientôt !